Durant l’interminable attente aux douches à Gerland, en pleine introspection, je ne peux m’isoler suffisamment d’une horde de grincheux qui ressassent qu’il faisait trop froid. Les pieds étant HS, j’ai presque envie d’en venir aux mains en leur rappelant aussi que s’ils n’aiment pas non plus courir de nuit, un départ à minuit en Décembre représente fatalement un double problème sous nos latitudes.
Mais quand j’introspecte, j’introspecte. Et l’illumination ne tarde pas à pointer le bout de ses chaussures de course sous forme de deux propositions, pas moins : Z’avez qu’à participer à la Badwater, ou faire la 180. Dans le second cas, la chaleur accumulée à l’aller vous réchauffera le cœur pour le retour, et les kilomètre aidant, vous ne saurez plus trop s’il fait nuit.
Pour les quelques improbables lecteurs ne connaissant pas le principe de la 180, je vous renvoie à la définition d’Arthur, le maître de cérémonie :
« Réalisée pour la première fois en 2003 par quelques membres du forum d’Ultrafondus à l’occasion du cinquantenaire de la doyenne de l’ultra, la 180 consiste tout simplement à faire le trajet Lyon Saint-Etienne en Off pour se rendre sur le lieu de départ de la course avant de prendre part à la course officielle pour le retour, en se joignant aux milliers de coureurs participants. Soit un trajet total Lyon – SaintEtienne – Lyon et un nom la LyonSaintéLyon. Depuis 2013, la LyonSaintéLyon a changé de nom et est devenu la 180. Un sympathique morceau de 150 km, 3400 m de D+ et bien sûr autant de D-. L’occasion rêvée pour éliminer quelques calories avant les traditionnelles fêtes de fin d’année dans la joie et la bonne humeur. »
Troisième participation consécutive pour moi à cette aventure hors du commun. Je retrouve le même sentiment d’humilité qu’en 2011 même si je me retrouve maintenant affublé du statut d’ancien. Ancien, je le suis ayant bouclé la boucle lors des deux dernière éditions et j’arrive même à me rappeler du prénom ou surnom de la plupart des mes coreligionnaires. Avec mon cerveau de poule, La véritable performance pour moi est là. Tidji, Taldius, Biscotte, Arthur, Gilles, Reynald, Jean Mi : vous êtes définitivement dans la boite. RdV privé le Vendredi soir pour un repas d’avant course à 6 chez Taldius.
N’étant pas à une entorse près à la plus élémentaire hygiène alimentaire d’avant course, après un apéro à la bière artisanale nous expérimentons la Tripoux-Party arrosée de Saint Chinian.
Mais faut pas pousser, on ne pousse pas l’expérience jusqu’au digestif (cette année) et nous regagnons nos pénates pour 5h de sommeil qui ne seront pas de trop après une semaine de boulot quelque peu chaotique.
P’tit dej tristounet à 5h15 en solo, je me fais une beauté et rejoins hardiment la ligne d’arrivée, ou de départ ça dépend de quoi on parle. Le Grand Schtroumpf a imposé une heure de rassemblement pas catholique, officiellement pour ne pas arriver trop à l’arrache (cf édition 2012), officieusement pour qu’on ne se batte pas la boulangerie de Soucieu pour prendre la dernière tarte aux pralines.
On s’observe, la tenue Flashy de Patricia contraste avec le noir-fatal de Corinne et je découvre Gaby que je trouve monté léger, mais bon, le dernier que j’ai vu en short au départ c’était Jean-Mi, alors je garde mes remarques pour moi. Après les consignes rituelles et les bises à toute la famille Cuinet, nous mettons le cap plein Ouest, direction pile poil la Tripoux Party de la veille. Le chemin est simple : la chasse aux flèches de la Saintelyon à l’envers avec un GPS toujours aussi facétieux que Taldius s’évertue à faire revenir à la raison.
Surprise cette année, le OFF s’enrichit bien vite de deux coureurs qui font le Off sur les traces du Off et qu’on va doubler et redoubler toute la journée. La sortie de Lyon se fait très rapidement puisque l’organisation a enlevé tout le plat du front de Confluence et nous fait découvrir un nouvel escalier de la mort au lieu de celui de Fourvière. A 7h, tout guillerets on se moque de lui, mais il risque de prendre sa revanche le lendemain.
Le temps est idéal et nous permet d’admirer tout au long de la journée la chaîne des Alpes avec une luminosité exceptionnelle. C’est la cerise sur le gros gâteau, trop gros pour Ludo dont le teint oscille entre le gris et le vert-endive et qui retournera trop vite au lit couver jalousement ses microbes et ses 40° de fièvre.
On m’avait laissé entendre que nous ne pourrions pas placer un mot, que Patricia valait fastoche 5 Cécile au niveau débit verbal, mais après une première envolée sonore, tout rentre bien vite dans l’ordre. Vas-y Arthur, on peut tenter 3 filles l’an prochain… Il faut dire que nous sommes suivis par France3 qui filme le OFF et n’a de caméra que pour elle. Moi, je m’appellerais Corinne, je leur crèverais les pneus.
Soucieu se profile et les « anciens » habitués à gérer la pénurie type soviétique de la boulangerie locale posent une mine sur 500m de l’enseigne, mais la devanture est bien garnie à 10h et nous évitons toute altercation. Pause au soleil. Nouvelle interview colorée de Patricia. Même Haribo il en fait pas des bonbons comme Patricia, ça pique les yeux, si t’as pas la télé couleur, ben t’es mort.
Un poil en retard, rappelés à l’ordre par Taldius, nous repartons pour 4 heures vers Sainte Catherine, à l’économie. Hervé se positionne délibérément en fin de peloton et cale son régulateur de vitesse sur 6km/h. Normal, il n’est chaud qu’au bout de 150km, surtout quand ce Schtroumpf ronchon boude à moitié d’avoir un dossard V3 parfaitement injustifié. Pas super rapide, mais si personne ne l’arrête et pour peu qu’il trouve un ou deux trognons à manger en route il peut continuer jusqu’à l’extrême usure de ses chaussures. Chaussures que Will 38 a l’habitude de troquer en course sur route par des Crocs, avec moins de 3h30 à La Rochelle. Faut dire qu’en kilt et à poil en dessous, il n’a pas intérêt à traîner en route. j’ai pas osé demander à ce Schtroumpf teigneux pourquoi Will 38, mais vu comme il est bâti ça ne peut être que son poids. De proche en proche, je surveille mes 5 compagnons de la veille et constate que le tripoux passe pour le mieux. L’an prochain, on s’en fera cuire 20 dont un avec du laxatif et hop, advienne que pourra. Le parcours a été largement modifié et nous enchainons de super tronçons en sous-bois, assez roulants mais qui rallongent singulièrement cette portion.
Vous allez voir qu’ils vont nous augmenter le prix de la Sainté l’an prochain.
La photo ci-dessous, c’est la mienne… Enfin une qui a de la gueule.
On trouve en route quelques tas de neige et on essaie tant bien que mal de se mettre dessus pour prendre des photos style grand nord histoire de pimenter les photos et les films, mais ce sera difficilement crédible sans montage à mon avis.
On commence à délirer à genou dans la neige pour en simuler l’épaisseur et autres gamineries et
avec Gilles et Wil ça part en vrille. On en arrive même par recoupements successifs à cette révélation surprenante. La soit disant chaste et pure Schtroumpfette, c’est prouvé, avait en fait la cuisse plutôt légère et Gargamel… Ben voilà, c’est écrit ; j’avoue que sorti du contexte ça tombe un peu à plat, mais dans la banlieue de Saint-Genoux ça nous a fait marrer pendant une heure.
Sainte Catherine, c’est synonyme de buffet gargantuesque. Ca commence à se savoir dans la région car nous voilà rejoints par des randonneurs qui s’en donnent à cœur joie. Mais vu les munitions qu’on a amenées, on pourrait presque nourrir tous les coureurs du retour. Pas sûr qu’ils s’en remettent, car ce n’est pas de l’essence pour formule1 mais plutôt pour Jeep. Pour amateurs éclairés. Sainte Catherine, c’est aussi un peu Noël, Le Grand Schtroumpf alias Jean François alias Arthur a convaincu son sponsor Led Lenser d’illuminer notre retour en nous dotant de ses dernières frontales. Pratique d’avoir plusieurs noms, on ne sait jamais à qui on s’adresse et bien entendu si d’aventure vous vous mettiez à engueuler le méchant Arthur, le gentil Jean François vous regarderait avec des yeux ébahis.
Séquence Pub
Led Lenser, c’est le top. Le faible poids des piles permet d’avoir un simple bandeau élastique autour de la tête, sans gène. Les défauts du précédents modèles ont été très bien corrigés (bouton On/Off qui faisait saillie et pouvait s’allumer tout seul dans le sac remplacé par un bouton plat qui bénéficie en plus d’une fonction de sécurité : le problème est donc corrigé 2 fois. Inclinaisons de la lampe qui gagne en précision). Je ferai tout le parcours retour avec, alternant les 2 modes d’éclairage proposés et ayant encore de l’autonomie pour une prochaine virée nocturne. Led Lenser, la frontale du :
- Vainqueur
- Baroudeur
- Tueur, enfin un truc en « Eur ».
Mais une frontale ça ne sert … que si on s’en sert. Arthur propose de passer aux travaux pratiques et sort de son chapeau de quoi les mettre à l’épreuve en proposant des dossards pour des courses mythiques offertes par ses sponsors. Urban Trail de Lyon pour moi, a priori plutôt la version diurne en Avril, avec ses 6000 marches, mais avec l’Ultra Raid28 en Janvier, pas de doute je vais bien l’amortir cette lampe…
Les bénévoles de la Saintelyon nous chouchoutent en mettant le chauffage dans les tentes du ravitallement, mais il nous faut repartir pour essayer d’arriver avant la nuit à Saint Cristo. Pas si simple car nous empruntons le secteur enneigé et verglacé du parcours.
Pas un poil de neige jusque-là, ça sent le travail bâclé : plutôt que de disséminer la neige réglementaire sur tout le parcours, les organisateurs dans un probable souci d’économie et une paresse caractérisée ont tout mis sur les 15km qui suivent, en gros tas. Franchement, ça fait pas sérieux. Mais ça risque de faire un peu de dégats au retour.
Pan, la nuit tombe.
Nous marquons à peine l’arrêt à Saint Cristo, la faute au chrono qu’on n’arrive pas à arrêter et aux 3h de pause réglementaires que nous souhaitons nous accorder à Saint Etienne avant de repartir dans le bon sens. On rembobine, il y a 2 ans sous la même tente il avait fallu se motiver et ressortir sous des trombes d’eau et l’an dernier nous venions d’affronter des congères de poudreuse.
La fin est toujours aussi interminable. Les faubourgs stéphanois, la zone industrielle ne sont décidément pas les deux atouts de cette course, même si dans l’autre sens, aspirés par la foule et l’euphorie du départ ils semblent beaucoup moins longs. On essaie de calmer les purs sangs devant pour arriver groupés, mais sans Hervé toujours calé comme un métronome sur son rythme et clic-clac on se fait photographier.
Ouf. 20h, l’épreuve intimiste est terminée, place à la foule et aux nouilles. En fait surtout à la foule, car il n’y a plus de pâtes. Pénurie au Flore suite à surbooking de Kikoureurs. Le plan B, c’est le plan Quick, mais au moment de faire ce choix en totale rupture avec mes principes, on nous annonce que nous aurons une assiette de pâtes à 22h. Pour un départ de course à minuit, ce n’est pas forcément le top, mais on fera avec car de toute façon il n’y a que ça : pas de sel, de beurre, de pain.
Changés, parés pour la nuit je papote avec Gégé92, dont le nom évoque plus un camionneur de camion 38T que la Géraldine de 40 kilos qu’elle est. Nous nous quittons bien vite car clairement elle partira plus vite que moi. Il faut d’abord relancer la mécanique, chercher une nouvelle source de motivation pour s’intégrer à cette grande farandole humaine. Flot ininterrompu jusqu’à Saint Cristo, j’arrive à peine à accéder au ravitaillement en eau et à chiper 2 tranches de pain d’épice. Je progresse à l’économie, en évitant surtout les gamelles qui se multiplient autour de moi et passe Sainte Catherine en 4400ème position, au milieu du serpentin des frontales. C’est magique. J’ai peur de la suite, car lors des précédentes éditions je titubais de fatigue et m’endormais à chaque pas. Là, c’est bon jusqu’à 5h30 et je commence à remonter le peloton pour ne m’endormir en courant « que » pendant 30 minutes vers Saint Genoux au km 42 ou 118, ça dépend ce que l’on compte. Le soleil se lève et seuls les pieds commencent à me faire souffrir. J’aurais dû faire comme d’hab et mettre des « route », mais j’ai improvisé un aller en Trails pour éviter les remarques sarcastiques de Roro le Lundi et voilà, j’ai quelques crevasses douloureuses.
Alors promis, on ne s’excite pas jusqu’à Soucieu et à partir de là on verra. La suite ? Du bonheur en barre. Les 20 derniers kilomètres plus vite que le peloton, ça fout un moral d’enfer et je vais remonter 850 coureurs sur ce tronçon, avec un improbable 9,5km/h entre Beaunant et Lyon. La barre des 150km est passée à La Mulâtière, on se tire la bourre sur le3 trois derniers km de plat et putain ce que je suis bien, alors je crâne, excusez-moi, c’est pas si fréquent… Biscotte est là à l’arrivée avec le plus beau des TS finishers, Bleu Schtroumpf évidement Je l’arborerai
avec plaisir après une douche assez compliquée : il faut déjà récupérer à l’autre bout du parking de Gerland son sac puis repartir au stade pour une interminable queue. Entre temps on a rendu son éco-gobelet et comme c’est la pénurie de verres dans le gymnase, on n’a plus le droit de boire… Mais pour altérer mon moral, faudrait que tous les coureurs de la Saintelyon s’y mettent et la plupart ne sont pas même en état d’y songer, les autres se foutant pas mal de mes états d’âme sont partis à l’apéro. Arrivée successive des OFF.
Photo de famille émouvante avec ceux qu’on a sous la main et l’heure tournant trop vite je dois abandonner mes compagnons de deux jours pour une nouvelle épreuve : covoiturage vers Paris à 3 sur une banquette arrière. 5h qui n’ont pas été des plus simples, croyez-moi.
Un grand merci au grand Schtroumpf et à sa meute…
Frédéric Orsoni. 🙂
J’adore ce CR, comme si on y était
Merci et bravo
Top ton récit !! Je m’y revois complètement ! Et ça donne des envies pour l’an prochain à nouveau. Décidément ce n’est pas raisonnable…