La 180 pour du bonheur à l’infini…
Au commencement…
Nous sommes en 2008. J’ai raccroché mes pelles depuis déjà quelques mois et ais fait mon entrée dans le monde du trail par la belle et magnifique porte de la SaintéLyon, édition 2007.
Je traîne sur le net, découvre et intégre la communauté kikourou et ais ouvert ce blog depuis peu. Je consulte les statistiques de provenance et arrive sur un forum où mon blog a été mis en lien.
Ce lien, c’est un certain Arthur Baldur qui le propose. Mais qui est-ce ? Je parcours son blog, me plonge dans ces récits et découvre ma course SaintéLyon au masculin, les mêmes sensations, les mêmes émotions, les mêmes réactions aux mêmes endroits… Aurais-je donc un double déjà présent dans le monde du trail ?
Je ne manque pas de commenter, les échanges débutent, une amitié sportive se créé…
Du Lyon Urban Trail à La SaintéLyon en passant par la Thou Night Trail, les kilomètres communs et les afters se multiplient et dès 2009, alors que sieur Arthur et sa Biscotte décident de se rendre au départ de la SaintéLyon en courant, je me retrouve avec cette drôle de proposition de les accompagner…
Il reviendra à la charge les 3 années suivantes encore, avec toujours sa Biscotte en second, puis le renfort de Thierry, bien insistant parfois !
Fichez moi la paix avec votre truc de fous furieux, ce n’est pas pour moi !

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L’étau se ressert…
Mais alors comment peut-on basculer dans le monde de l’ultra fond quand on pense ne pas être en mesure d’aller au delà de 70 km ?
Progressez sur la SaintéLyon, faites un bon résultat sur un nouveau trail du côté du Puy en Velay et bavez en un max sur la SaintéLyon 2012, à tel point que vous ne voulez plus en entendre parler… Et dès le lendemain, vous n’avez jamais aussi bien récupéré.
Le déclic s’opère : le corps semble être prêt, ne reste plus qu’à convaincre la tête…
Puis l’idée s’immiscie, comme facétieuse à l’image d’Arthur… Si on allait voir ce qu’il se passe plus loin, au delà du chemin ?
Ce chemin, il se trouve en Côte d’Or, il se nomme UTCO. Et qui donc m’a si bien vendu cet ultra de 105 km ? Un certain Thierry et son acolyte Reynald. Tous deux ont leur nom dans le Hall of Fame de la LyonSaintéLyon…
Le parcours est débroussaillé, j’ose m’annoncer, le balisage est posé, l’inscription à La 180 est validée.
Ils m’ont eue…

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Tout plein d’interrogations au plein de sensations…
Vais-je réellement prendre le départ d’une ballade de plus de 150 km ? Vais-je découvrir des choses autres que la douleur au delà de 105 km ? Dans quel état serai-je au départ de MA course adorée, chérie, de prédilection avec 75 km dans les jambes ? Mon corps va-t-il tenir le coup après cette préparation copieuse ? Aurai-je une happy end à raconter à mes petits enfants ? Serai-je à la hauteur de la confiance accordée par Arthur et sa troupe du LUR ?…
Je ne suis plus qu’à quelques heures d’avoir enfin les réponses…

Gerland – 7 décembre 2013 – 6h00
Tout le monde est là, on y est, le grand jour est arrivé, celui qu’on attend depuis des mois, celui pour lequel on a consacré tant de temps !
Nous ne sommes pas encore partis que le bonheur est déjà au rendez-vous. Alan est parmi nous, il aurait du en être et cartonner au retour mais une blessure en décide autrement. Sandrine est venue me saluer, c’est juste énorme, nous nous sommes rencontrées au Jogg’iles 2012 alors que nous préparions la STL. Kirikou 69 notre malheureux blessé lors d’un off Arcluzien s’est levé, tout comme Nico membre du LUR qui nous tire le portrait quelques km durant Led Zep à donf dans la voiture. Stéphane – notre célèbre Bicshow – est également présent, il semblerait vouloir compter… La Biscotte va nous accompagner running aux pieds au départ à défaut de se lancer encore une fois dans l’aventure. Et Pierre-Etienne et Loïc bien sûr, nos reporters de France Télévision, l’aventure débute avec une interview.
Je suis une pile électrique, les décibels montent, va falloir y aller !
Sachez chers compagnons que cette énergie d’avant « épreuve » (c’est un grand classique chez moi mais certains le savent bien !), est une manière d’évacuer le stress et surtout de démontrer mon plaisir d’être là. Mais à ce moment de La 180, je me suis sentie bien petite face à ce qui m’attendait et surtout face aux multi finishers de la LyonSaintéLyon présents ou autres ultra fondeurs !
Arthur nous donne quelques consignes, la photo de groupe devant l’arche Extra Sports est dans la boîte, Stéphane peut enfin décompter… 5, 4, 3, 2, 1 ! C’EST PARTI !

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Le spectacle peut commencer !
Sainte Foy les Lyon, le jour se lève, comme dans un rêve, Lyon est si belle…
Une demie-heure que nous sommes partis et déjà un voile se lève sur mes interrogations. Sur les hauteurs, Lyon endormie mais illuminée s’ébroue dans un ciel flamboyant. Juste magique ! Je ne voulais pas spécialement prendre de photo, mais celle là je ne peux pas la laisser passer !

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Déjà la montée des Aqueducs de Beaunant, tellement drôle et facile de la prendre en courant… en descente !
Les discussions vont bon train, le groupe prend vite ses marques dans l’optique d’une belle journée de convivialité.
Les connaissances virtuelles se transforment enfin en réelles et nous avons le temps d’échanger sur nos réalisations sportives ou autres rêves. Echanges sérieux, sportifs, mais parfois de beaux pétages de plombs ! Mais où est Rocco ???… Et contrairement à la rumeur qui a été répandue, je n’ai pas monopolisé les conversations !
Sans oublier les échanges via téléphones interposés : les encouragements en rimes de Bubulle au rythme des lieux traversés (la magie des technologies modernes et notre parcours est suivie en live grâce aux balises GPS portées par Corinne et William), les échanges avec PEL, les sms de mes chéris, ma cahouette, des infos à papa maman…
Les portions nouvelles et à prendre au retour le lendemain nous font presque rire en pensant que cela aura une saveur bien plus amère, entre longue ligne droite entre Chaponost et Soucieu et autres relances des plus charmantes, aux airs du Grand Trail du Saint Jacques.
France TV nous retrouve en plusieurs points jusqu’à Soucieu où la traditionnelle pause Boulangerie est programmée. Une interview pour moi et du baffrage en règle pour les amis, une café chaud au profit du téléthon offert par PEL et une bonnet de mère Noël perdu (je fais comment le 24 maintenant ?) plus tard et nous voilà repartis. Prochain arrêt, Sainte Catherine !

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Comme une enfant, je vais d’émerveillement en béatitude. Je suis juste soufflée par la beauté du parcours !
Le bois Bouchat, nouvelle variante à l’approche de Soucieu (dans le sens de la course), est magnifiquement baigné dans la lumière du soleil et je ne peux m’empêcher de prendre moultes photos.

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Et que dire du bois de la Gorge ? Et de celui de la Dame ? Et surtout une fois sortis des bois, que voit-on poindre sur la ligne d’horizon, fier et massif, au milieu d’une chaîne non moins précieuse ?
Le Mont Blanc est face à nous, majestueux, à portée de doigt, accompagné de la chaîne des Alpes, se détachant sur un ciel bleu immaculé. C’est juste énorme !

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Un bois de la Dame humide et glissant plus loin et nous voilà à la bourgade de Saint André la Côté. Ici le panorama est à couper le souffle… J’en ai presque les larmes aux yeux.
J’ai une autre réponse, elle me vient du ciel, je sais pourquoi je suis là aujourd’hui !

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Tout le groupe est sous le charme, mais comment ne pas succomber ? Surtout que la bascule de l’autre côté de Saint André nous présente un manteau blanc neigeux, brillant de mille paillettes sous les rayons du soleil.

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Heureusement Anthony, maître des lieux et du temps veille et nous repartons, c’est qu’on a un timing à tenir !
Je découvre le bois d’Arfeuille de jour également, j’en suis toute émue, c’est qu’il m’en aura fait voir de toutes les couleurs déjà ce bois sur mes différentes participations à la SaintéLyon, à l’image de la chaise rouge et sa copine la verte ! Des lumières toujours aussi grisantes à travers les branches et les feuilles et sans avoir vu passer le temps, nous voilà déjà à Sainte Catherine.

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Céline, Marie-Hélène, Gérard ont réparti les victuailles et c’est un buffet gargantuesque qui nous tend les bras ! Et tant mieux, car il fait faim ! Les bénévoles de la SaintéLyon s’affairent et sont également aux petits soins en nous branchant notamment la soufflerie chaude !

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Remplissage de panses, tirage au sort des dossards offerts par Extra Sports, Terre de Running et Le verbier Saint Bernard (évidemment je tire pile celui de ce dernier que je voulais fuir à tout prix !), dotation d’une frontale SEO5 Led Lenser, étirements devant la soufflerie, séchage de pieds et chaussettes et c’est une Mamanpat toute neuve qui repart avec la joyeuse troupe !
Hélàs, ici Ludo est obligé de jeter l’éponge, état grippal depuis le départ… Nous ne manquerons pas, tous autant que nous sommes, à avancer pour toi la nuit prochaine…

Avec le verglas, tu riras et marre tu en auras…
Après des chemins étonnament secs (qui me vaudront de me fourvoyer auprès des concurrents sur l’état du parcours mais aussi sur mes équipements…), nous rencontrons les premières difficultés annoncées mais bien amoindries, de l’épisode neigeux de fin novembre. Portions neigeuses gelées, quelques plaque de verglas, une descente de plein pot qui semble être facile à négocier (mais il en sera autrement quelques heures plus tard !).

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Le plateau du Moreau sera difficile à négocier cette nuit, il l’est déjà ! La progression du groupe est ralentie, et, toujours aussi peu à mon aise sur surface glissante, je me retrouve un peu à l’arrière, loin des caméras pour faire une figure de style, en toute solidarité avec Gaby ! Un peu de jardinage – apparement une tradition également à cet endroit ! – passage par la trace officielle qui a été détournée, mais c’est quand même super chouette en petit comité !

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L’obscurité desccend tout doucement…
Et pour une dernier émerveillement,
le soleil couchant flamboyant,
sur ce plateau enneigé,
une dernière fois de la journée va me faire planer…

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Nous arrivons à Saint Christo en retard sur le plan de route pour une arrivée vers 20h et ne prenons que 10 minutes pour nous ravitailler au chaud, au milieu des bénévoles, les mains dans la préparation de milliers de choses à manger ! Je commence là ce qui sera ma dévotion (et dévorage) au dieu Pim’s, tout au long de la nuit (et du jour aussi !).
La suite, de nuit, ne sera pas beaucoup plus rapide, le terrain est délicat jusqu’au retour sur goudron à Sorbiers.

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Notre aller tire à sa fin, tout comme les jambes qui voudraient bien se reposer.
Le groupe s’est terriblement étiré mais nous recollons tous avant de faire notre entrée dans Saint Etienne, sans Hervé que nous ne pouvons attendre plus, ce dernier ayant eu quelques difficultés mais qu’on retrouvera juste un peu plus tard, promis nous ne l’avons pas perdu !
Fichtre que cette portion est longue et monotone après ce que nous avons vu et parcouru durant cette journée !
Courir sur le bord de la route est déplaisant, on savait que cette partie serait lassante, il est temps d’arriver !
Cela se fait sous l’arche officielle du départ, à 20h50, dans des cris de joie et de satisfaction, sous la caméra de Loic et avec une nouvelle petite interview !
Dernier regroupement de la troupe au complet (enfin sans Hervé qui arrive !) d’Arthur, nous sommes tous ensemble pour la dernière fois de l’aventure : Arthur, Tidgi, Reynald, Thomas, William, Thierry, Jean-Pierre, Corinne, Gaby, Jean Phi, David, les 2 Fred, Gilles, Anthony, Nicolas, Frank, Julien, Bernard.

14h17 – 77,4 km – 2000 m de D+.

Nous avons maintenant 3 heures devant nous pour nous refaire une santé – et une beauté !

Un premier partage salvateur…
L’arrivée au Flore est très contradictoire entre l’acclamation des kikourous et la soupe à la grimace (sans soupe, sans pates !) des patrons.
Y’a un truc qui me monte dans la gorge – juste là où on avale – le truc qui ressemble au sanglot et que je ne pensais pas avoir à contrôler avant le 130ème km…
Les amis sont là et leurs regards en disent long sur ce qu’ils pensent de notre folie… Des accolades chaleureuses se succèdent, déjà des félicitations fusent mais il faut rappeler que la route est encore longue. Bien sûr, comme j’ai pu le faire moi-même lors des éditions précedentes, on nous demande l’état des chemins et quels équipements prendre.
Je me trouve un petit coin à l’abri de tous pour étaler les affaires et me changer, charger et recharger tout ce qu’il se doit et je pars à l’affût de ceux auprès de qui je dois me ressourcer.
Je bisouille enfin Bubulle, je revois Sab, ma p’tite Héloise, Nini, Flo, mon fidèle Bertrand, Béné, mon chouchou bien sûr. Il fait bon de revoir la grande Patricia, David qui va se lancer en five fingers et tous les lyonnais ou autres habitués de la SaintéLyon, je ne peux tous les citer. Mais c’est avec No, Say, Golum et Michèle que je m’attable pour me reposer et papoter, la troupe de mes débuts chez Kikourou. Et puis surtout mes Chevreuliens, mon Gégé, Pat le coach, Fabi le kiné et Line. Ils partent pour un relais à 4 et m’ont accompagnée tout au long de l’année dans ma préparation. C’est rassurant de les savoir là et Fabi assurera mes arrières (enfin mes ischios !). Mille mercis !
J’avale tardivement une assiette de pates aux côtés de mes fondeurs et Loic est toujours dans les parages, à l’affût de quelques images. Il est temps de revêtir notre tenue de nuit, je suis reposée, étirée, changée, terriblement partagée sur mon état, entre sérénité et anxiété…

Entre 2 portes, espace spacio-temporel arrêté…
Un groupetto se forme pour se rendre au départ avec Thomas, Arthur, Jean Phi. Je me sens automate et réalise encore difficilement que nous allons prendre le départ de la 60ème édition de la SaintéLyon.
Dépose des sacs, nous entrons dans le hall expo. Là plus de doute, nous y sommes. J’entends Eric, mon speaker fou mais ne le vois pas pour mon bisou et la promesse de celui à l’arrivée. Je suis hagarde, nous sommes tous très calmes mais au fond de mes tripes c’est la tempête. Tout commence à se bousculer et la réalité s’affiche clairement une fois au milieu de ces milliers de concurrents.
Nous nous approchons des sas de départ et nous nous perdons là, me rendant en première ligne, rang que me permet de prendre mon dossard n° 90.
Loic est là, toujours à l’affût et je retrouve les têtes que je souhaitais avec notamment la jolie bouille de Sylvaine Cussot, puis JP qui m’encourage chaleureusement, un bisou à Julien Chorier aussi et surtout un gros calin à Michel.
Echanges détendus et enjoués puis un grand vide… Ils s’échauffent tous, je sautille seule mais une grosse bouffée de stress remonte, et me voilà en larmes…
Je vais partir pour 75 km dans la nuit, le froid et un terrain qui sera difficile. Je me sens physiquement bien mais qu’en sera-t-il dans plusieurs dizaines de km ? Suis-je réellement capable d’aller au bout de ce truc de dingues ? Suis-je aussi barrée qu’Arthur ?…
Allez, une accolade avec ma casaque blanche Marylène, un bisou de Mike et tout ceci se transforme et cette terrible énergie et excitation d’avant course ! J’y suis et surtout J’Y VAIS !!!

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De l’euphorie à plus de batterie…
Nous sommes des guerriers, c’est Eric qui le dit. La musique, les olas, les regards, les p’tites tapes sur l’épaule et c’est parti. Je suis littéralement avalée par la vitesse des élites et des relais au point d’en basculer ! Mais 4 mains me récupèrent de concert et mes jambes embraient, C’est qu’ils ont envie mes jambons ! (Et merci aux fusées de m’avoir rattrapée !)
Je pars vite, trop vite ? Non cette portion de bitume doit passer le plus rapidement possible, ne pas arriver dans les chemins lassée. Il n’en sera rien, malgré des flots humains qui se déversent sur moi, je pointe à l’entrée de Sorbiers en 38 mn ! Thomas me passe et reste un peu à mes côtés, nous allons bien, nous convenons que nous sommes partis vite mais que c’est toujours ça de pris. Bonne course Thomas (elle le sera !). A ce rythme je pense qu’en 10h je suis rendue à Gerland.. T’as raison ma grande…
Premiers chemins, la STL débute, tout le monde ou presque chaîne, c’est là que j’ai prévu de le faire également.
La progression est maintenant bien plus lente entre difficultés au sol et affluence de concurrents comme en heure de pointe. Point d’énervement pour moi cette année, je dois juste arriver.
Je pointe en 2h16 à Saint Christo. Le rythme me convient, juste à l’assurer mais par contre, pourquoi on augmente le % de dénivelé de chacune des montées et des descentes – glissantes – que j’emprunte ?
Plus de 90 km Pat, je crois que tu vas devoir avancer en mode économie et d’ailleurs une petite recharge à Sainte Catherine fera du bien. Je m’alimente et bois correctement mais j’ai envie et besoin de chaud et de m’étirer.
Seulement pourquoi ce ravito n’arrive pas ? Je me fais doubler sans cesse, je suis très souvent interpellée et encouragée mais je commence à trouver long… Les parties verglacées sont normalement passées, j’ai ôté les crampons suite à la reconaissance à l’aller à la sortie du Moreau. Mais la descente de plein pot est bien compliquée à passer, gros bouchon dans lequel je me prend un monumental coup de pied au cul, dans le sens propre du terme, par un concurrent qui lui s’est retrouvé sur le sien ! Je lui indique que j’aurai préféré une main !
Lentement j’avance puis je ne remets pas cette longue et interminable montée avant de resdescendre sur Ste Cath. PEL m’attend au ravito, j’ai dépassé les 4h30 envisagées, j’ai un énorme coup de bambou… Enfin la descente, sauf qu’elle est hyper glissante, je chope les côtés et pas de glissade. Arthur me récupère par ici, ça fait du bien de le voir mais je pointe en 5h et le moral en prend un coup.
Si bien qu’en arrivant dans la tente, je m’écroule dans les bras de PEL et… me mets à pleurer… C’est la fatigue, je le rassure, pas d’idées noires pour autant ! Je pète la dalle et rêve de Pim’s, qu’un bénévole va me chercher tout rien que pour moi ! Il aura droit à un gros bisous ! Je croise Béné et Gibus, Arthur m’annonce que Julien a du stopper à St Christo et il semblerait que le gros de la troupe soit déjà bien devant…
Etirements, thé chaud, papotages réconfortants, interview, pause pipi, changement de piles et tout rentre dans l’ordre. Je repars 25 mn plus tard sous la caméra de Loic et avec les encouragements de PEL, pour la découverte de la distance la plus longue jamais parcourue, je viens de passer les 105 km…

La tragedie du coccyx
Rechargée – mais pas à bloc non plus – je visualise bien le chemin jusqu’à Saint Genou, prochain objectif.
De la boue, je passe droit dedans, on va pas chipotter de toute façon on aura les pieds mouillés. Mais bien moins drôle, c’est la boue verglacée juste avant d’entrer dans le bois d’Arfeuille.
Et vlan, c’est pour moi. Ben c’est que je pensais ne plus avoir besoin de mes crampons alors j’ai laissé tout ça à PEL à Ste Cath.
Mon coccyx me déteste et moi encore plus. Je revis pendant quelques instant la STL 2010 : même chute lourde, même douleur instantanée… Non ce n’est pas possible, ma 180 ne peut pas s’arrêter là ! Un concurrent m’aide, je me relève tant bien que mal, j’ai mal, je hurle de colère, mais pourquoi encore sur ce satané coccyx ! Je m’accroupis pour laisser passer la douleur et là une voix familière me repère. C’est Nicolas, que dis-je, Saint Nicolas mon sauveur ! Me voyant ainsi en larmes (ben oui forcément…), il s’inquiète et reste avec moi. Il semble que je puisse marcher, courrir, oui c’est ok ! On repart tout doux ensemble pour ne quasi plus se quitter…

Hissez haut !
Ah on n’avait pas bien ri de ce bois d’Arfeuille à contre sens et de ce raidillon pour en sortir ! Et bien dansez maintenant ! Ma chute m’a fait comme un électrochoc musculaire et je suis plutôt dispo dans cette portion. Mais d’être avec Nico change aussi la donne ! Le moral est revenu au beau fixe, nous papotons, rigolons et nous permettons même le luxe de doubler !
Sur la route de Saint André la Côte, nous reprenons Frank ! Et hop, ça emboîte, qu’on est fort !

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Nous voilà déjà aux prémices du petit jour et le Mont Blanc si visible la veille est une incroyable masse sombre ce détachant sur ce même ciel flamboyant vu au dessus de Lyon 24h plus tôt… Les cieux nous ressourcent, les chaines nous rassurent, Nico se rappelle qu’il y a une portion glissante, que nous passerons bras dessus dessous, Frank en sécurité. Solidarité 180 ou rien…
Le bois des marches est devenu un véritable bourbier gluant et glissant, je descends prudemment, Nico et Frank prennent un peu le large, nous retrouvons Arthur et Bernard et jouons ainsi au yoyo jusqu’au bois de la Gorge.
Etrange cette portion où nous étions tous très concentrés sur notre effort, notre progression, un peu comme si c’est ici que tout se jouait : arriver à Soucieu car une fois là bas…

Tombez bas…
Saint Genou est traversé rapidement, juste le temps de recharger en thé chaud et d’attraper…des Pim’s !
Nous avançons plutôt bien, ça trotinne dès que possible et nous nous gardons les uns les autres en ligne de mire.
La route et belle jusqu’à Soucieu, j’ai adoré la veille mais pour autant, le côté ascendant puis descendant puise dans les maigres réserves d’énergie qu’il me reste. Je recolle avec Bernard qui déplie ses grandes jambes dans le bois de la Gorge alors que je peine à lever les pieds. A l’insu de son plein gré, il me fait même la proposition indécente de me tirer dans la montée ! Je lui fait remarquer que je pourrais m’offusquer, il comprend la blague quelques centaines de mètre plus loin ! La tête aussi est fatiguée ! Au moins j’aurai bien ri !
Je lui dit de filer, il a besoin d’un arrêt podo à Soucieu, je n’ai plus envie de « traîner », juste arriver, on se retrouve là bas… Et là je perds tous mes repères, je ne remets pas le bois Bouchat, Soucieu n’arrive pas, le temps défile inexorablement, bientôt 10h que je suis repartie de Sainté, je pense qu’à Soucieu il restera 25 km (mais ça c’était avant !) et qu’à cette allure, de marche lente, il me faudra encore 5h…
Gros coup de blues, surtout que j’ai perdu de vue mes compagnons. Une rafale de sms arrivent, vu ma vitesse je peux les lire, je n’arrive pas à relancer pour trotinner, mais chacun d’eux (mon chéri, mes zozos, ma cahouette, Cécile) me fait fondre en larmes… (Z’ont du me prendre pour une tarée les autres concurrents ! Z’ont pas tord…)
Enfin Soucieu, le ravito et une seule idée en tête : retrouver des visages familiers. J’entre dans la tente comme dans un sanctuaire et Aleluia !!! Ils sont tous là : Arthur, Nico, Bernard, Frank mais aussi William et Jean Pierre ! Je suis transportée et dis à Arthur que je n’en peux plus. Presque sévère il me dit « tu vas finir hein ? « . Non mais Jeff, je viens de me manger 130 km et tu crois que je vais lâcher l’affaire ici ? Non mais ça va pas !!! Je le fais avec les décibels qui vont bien et décide contre toute attente de le pourir pour la seule et unique fois du retour. C’est qu’il s’attendait à avoir les oreilles qui sifflent !
Cet arrêt relève ainsi du sketch ! Je m’accroupis pour détendre les jambes et bascule, alors que Nico me tends la main pour me relever, je lui demande de me laisser, je suis si bien allongée ! Passage sur le dos et là le coccyx se rappelle à moi comme pour me prévenir que la douleur ne lâchera pas l’affaire pour la suite.
J’ai faim, je me jette sur la table et les Pim’s mais aussi dans les bras d’Alex, un extra boy, qu’il est bon ce ravito !

Rien ne les arrête car aujourd’hui c’est leur fête !
Que les choses soient claires, maintenant on ne se lâche plus ! Nous repartons avec Arthur et Nico, regonflés avec nos jambes malmenées mais déterminés. Notre trio est une machine de guerre, nous courons, ne marchons qu’en montées et doublons, doublons, doublons. Nous avons du dérouler à des vitesses frôlant les 8 km/h ! De vrais tueurs je vous dis ! Nous récupérons Frank et l’embarquons à bord, à 4 nous sommes encore plus forts !
Puis peu avant le parc du Boulard, nous ne le pètons pas mais retrouvons Jean Pierre et William. On les embarque mais ils n’arrivent pas à accrocher. William est blanc comme un linge, en pleine hypo et JP souffre d’un tendon.
Nous avons encore quelques échanges avec des concurrents qui n’en reviennent pas de notre folie, je leur concède que moi non plus…
Beaunant, 4 mn d’arrêt. Peut-être à peine plus mais purée que ça sent bon ! J’ai faim ! Oui je mange des Pim’s mais avant, je me jette sur du gruyère et du pain et dis au bénévole en savourant ces délicieux mets (mouarf !) qu’il sait comment rendre une femme heureuse ! Oh purée, qu’est-ce qu’on ne raconte pas comme bêtises avec la fatigue !
Allez, je motive les troupes à repartir, j’ai hâte de la franchir cette ligne !
La montée des aqueducs est une piste d’escalade, ouch que c’est raide et très dur ! Badgone et Tine ont déjà filé alors qu’ils nous attendaient avec le champagne… Gardez le au frais !
On recolle en haut, je sais ce qui nous attend, un faux plat montant, on trottine, du plat, on relance, le Grapillon, fingers in the nose, les marches en petites foulées, à l’aise. Je pensais avoir à les descendre la veille comme ce concurrent, en moon walk ! Et nous doublons, nous doublons, nous doublons…
Voilà les quais, il y a encore quelques marches à gravir pour prendre le pont, c’est moche ici mais on s’en fiche parce qu’au bout il y a tout le bonheur du monde.
Mettre un pied devient un enfer, mes plantes de pied souffrent le martyr. Dès qu’il y en a un qui marche, on marche et il y en a toujours un pour relancer rapidement. Une seule idée : franchir cette ligne d’arrivée.
Marie-Hélène s’arrête sur le bord, un gros bisou à Arthur, moi aussi je veux un câlin !
2 km, nous sommes à 2 km de réussir notre défi. Ne pas pleurer Pat, ne pas pleurer. PEL et Loïc m’attendent, faire bonne figure, je sers les dents… Jef, on peut marcher stp, mettre un pied devant l’autre est juste un supplice !
1 km, faut re-courir et je vois arriver Chloé. Oh purée, ma Chloé, tant de chemin parcouru ensemble cette année, ne pas pleurer, ne pas pleurer… Un câlin, elle a yeux humides, je sers les dents, j’ai mal du mal à lui parler…

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Dernier virage, mes reporters de choc sont là, le sourire de PEL en dit long… Son moon walk en Hoka me permettra de déserrer les dents !

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150m, la Cuinet’s team avec la Biscotte et ses yeux brillants, ne pas pleurer…

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Il nous remet nos tee-shirts finishers pour franchir cette ligne tous les 4 main dans la main.
Je scrute le public et cherche le regard embrumé de Papa, je sais qu’il est là même si je lui avais dit d’attendre mon appel, je le vois, ne pas pleurer…
arrivée 180
Nous entrons dans le Palais des Sports, Michel est au micro et demande une ovation, cette arrivée est juste énorme, sous les acclamations, ensemble, avec Arthur avec qui je rêvais secrètement de faire ce retour.

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Gerland – 13h38 – 75,9 km – 2000 m D+

C’est une explosions de saveurs, d’émotions, de flashs, de rires, de sourires. Enfin je peux pleurer mais j’ai tellement envie d’accoler mes amis d’aventure, Arthur, Nico, Frank et tous ceux présents qui nous ont soutenu et nous félicitent. Les bras de Papa avant tout, puis Chloé, une interview, le sourire jusque là et par dessus les étoiles, avec cette dame qui me demande à tenir ma main et ne le lâche plus (j’apprends une semaine plus tard qu’elle est magnétiseur !).
Derrière les barrières d’autres yeux rougis, ceux d’Etienne, big hug mon chouchou, Alan à qui je donne un peu de cette saveur qui aurait aussi du être sienne, Olivier, Jean Mi… Et ils sont là, les héros qui ont déjà franchi la ligne depuis un moment, Reynald en 10h, Gilles, Thierry, Anthony, Fred ! Où est Jean Phi, nous avons tant partagé cette année avec cet objectif commun, il a fini et est déjà rentré, tout comme Thomas (10h43 !).
Je finirais de vider les réserves lacrimales sur l’épaule de Mike, toujours là au bon moment mon gros dragibus !

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Une belle photo de groupe, quels sourires !
Puis les derniers de la troupe arrivent, Coco en finit, bravo ma grande, 100 % finisher les féminines de La 180 !

Purée, que ce moment est bon et empli de bonheur !
C’est toute une année qui se consacre en cette journée du 8 décembre.
Une arrivée rêvée mille fois mais tellement plus belle !
Je savais que cette 180 me permettrait de conclure 2013, placée sous le signe de la convivialité, des courses et des entraînements entre amis. Je ne me doutais qu’elle m’offrirait un si beau moment sportif, nature et humain inoubliable, gravant au fond de moi des souvenirs inoubliables et surtout un petit quelque chose à part, unique et indélébile…

Quelle année de folie, mais quelle année ! Avec tant de cerises sur cet énorme gâteau !
La gourmande que je suis est repue…
Et je suis si riche aujourd’hui de tous ces partages et ces si belles rencontres…

Patricia Bonhomme. 🙂
Le blog de Mamanpat.