J’irai au bout de mes rêves.

Jeudi 17/12/2013, 10 jours ont passé après mon arrivée « victorieuse » sur la 180. Je suis tellement heureux de cette issue, tellement heureux de ce dénouement. Comment décrire ce que j’ai vécu, comment partager des moments que l’on ne peut que vivre pour les comprendre ?

Quand donc vais-je réaliser complètement que j’ai bouclé cette 180 ? je me le demande encore. 10 jours après la ligne d’arrivée franchie, je reste fatigué, des moments d’euphorie ou je suis en pleine forme et d’autres, plus nombreux ces derniers jours ou je m’écroulerais presque.

J’en conclus que cette 180 pour roulante qu’elle soit, elle a été exigeante avec mon organisme, les traces sont là et ce malgré ce que je crois avoir été une bonne préparation. Parlons-en de cette prépa ! Lors d’un off en juin chez Tom trailrunner, je discute avec marat 3’h00 ? et lui dis que je me suis inscris sur la 180. Mon seul problème ? Jamais fait aussi long, 150 kms c’est une grande première pour moi et surtout je ne vois pas du tout comment aborder le volet entraînement. Je suis plutôt du genre stakhanoviste mais dans le mauvais sens du terme. Je charge tant que je finis souvent bien fatigué avant même d’avoir pris le départ. Patrice me propose alors très gentiment son aide pour faire mon plan d’entraînement. J’accepte avec joie… jusqu’à ce que je reçoive le fameux plan ! En le lisant, je me dis qu’il va falloir être costaud dans la tête et dans le corps pour une telle charge : Des semaines à plus de 100 bornes avec du tri quotidien au plus haut de l’été, des tests VMA tous les mois, etc… et surtout : Apprendre à courir lentement !

Du jamais réalisé avant et dans un cas et dans l’autre.

Confiant j’attaque, me prépare du mieux que je peux, retrouve des sensations jusque là oubliées du fait de blessures récurrentes. Je prends confiance et me présente sur la ligne de départ de la 180 au petit matin du 07 décembre confiant et déterminer à vivre une belle, très belle aventure.

Nous partîmes 22 et revinrent à 10000…

C’est en substance ce qu’il s’est passé mais auparavant j’ai vécu une si belle journée à 22 que les mots me manquent encore pour la décrire tant ce serait impropre. Non, décidément, une telle aventure ne s’explique pas. Elle se vit.

Je me lance toutefois dans quelques qualificatifs :

* Ce fut magique ce départ dans les rues désertes de Lyon au son de Led Zeppelin dans la voiture de Nico qui nous a suivi pendant plusieurs kilomètres alors qu’il aurait pu rester tranquillement à la maison, ce halo de brume mêlée aux réverbères, ces encouragements de passants éberlués de nous voir si tôt déambuler joyeusement.

* Ce fut splendide ce lever de soleil à l’horizon au petit jour, ce soleil à son zénith sur la neige de St André la Côte et ce coucher de soleil sur la si majestueuse chaîne des Alpes qui nous tendait ses cimes tant le temps dégagé nous les rendaient proches.

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* Ce fut comique la descente sur St Etienne sur la glace. Qui dans ses imitations de Candeloro ou de Surya Bonali pour tenter de rester debout sur ses runnings. Certains chausseront leurs easy shoes, moi je n’en avais pas. C’est passé mais avec de belles figures de style !

* Ce fut chaleureux tant Arthur et sa bande du Lyon Ultra Run, sa famille avaient mis les petits plats dans les grands aux ravitos, dans la gestion de la logistique, les cadeaux offerts à chaque participant (merci pour le dossard du St jacques et la lampe frontale).

* Ce fut amical dans les échanges que nous avons tous eu ensemble. Je crois qu’un lien que je voudrais croire indéfectible nous unit aujourd’hui parce que nous avons vécu la même histoire, le même bonheur de nous trouver ensemble sur les chemins. Arthur, mamanpat, Tom, Ludo, Gilles, taldius, Cococardio, Fulgurex, Daloan, Tidgi, Davrun, JP, Nico, camara, Ptititi42, Will36, Zeze69, Aldo, Gaby76, Turtlerunfofun, lalan (sur la prépa et au départ) simplement merci d’avoir été là.

* Ce fut facile de courir quand on a un GPS comme Taldius qui nous guide. D’une telle simplicité d’autant que j’avais souvent reconnu le parcours !!! mais il ne fut jamais plus beau que ce jour là.

* Ce fut difficile de rentrer dans St Etienne avec ses voitures, ses bruits après avoir passé tant de temps dans la campagne si calme des monts du lyonnais. Je crois que ma tête est restée quelque part entre St André et St Christo…

* Ce fut joyeux d’arriver au Flore et retrouver les ami(e)s et passionnant d’échanger avec eux.

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Voilà en substance ce que je peux dire de mon off 180. Je sais c’est peu et beaucoup à la fois car pour les belles choses on voudrait les conserver par devers soi. Pour une fois le volubile, l’extraverti que je suis à tout intériorisé et est incapable de restituer la grandeur des émotions ressenties. Et Dieu qu’elles furent belles !

Le retour est connu pour beaucoup d’entre nous. Ce fut mon 10°, je voulais le fêter dignement. Le départ donné dans les frimas de la nuit stéphanoise se fait aux côtés de Fulgurex et Turtlerunforfun. Fulgurex profitera d’un arrêt technique pour prendre la poudre d’escampette, je ne le reverrai jamais. Ce ne sont pas 2mn qu’il m’aura récupéré de l’UMS mais 2h00 ! Chapeau champion !

Je retrouve Julien qui avance bien dans les rues de St Etienne. Il est tout de même tout pâle et ça m’inquiète un peu. Toutefois nous avançons plutôt bien et malgré quelques glissades et passages sur les côtés nous arrivons sans encombre sur St Christo : 2h13 se sont écoulées. Je ne suis pas dans la course. Je ne suis pas spécialement fatigué, c’est juste que je ne suis pas au diapason par rapport aux autres concurrents. Cela fait 2h13 qu’ils éructent, qu’ils se hèlent dans la nuit quand je n’aspire qu’à du calme. C’est clair, nous ne faisons pas la même course, nous n’avons pas, plus, la même adrénaline. Je suis pointé, pour l’anecdote 5068°…

Julien s’arrêtera malheureusement ici. Il ne se sent vraiment pas bien. Nous nous souhaitons mutuellement bon courage et je repars dans la nuit ou je me sens décidément bien mieux que dans le ravito surchauffé que je viens de quitter. Quand je pense qu’il y a encore quelques heures nous avions cette tente pour nous tous seuls ! Quel contraste ! Et quel succès aussi pour la STL… A mes yeux ça n’est que justice. C’est une belle course. Cet aller me l’a confirmé d’ailleurs. On est proche du parcours parfait je trouve. Rien ou presque à changer. J’en suis à ces réflexions que je commence sérieusement à m’endormir en courant ! C’est curieux comme sensation ! Je ferme les yeux, mes jambes continuent à tourner… jusqu’à ce qu’une chute sur le verglas vienne me réveiller brutalement ! Boum !

Je me relève un peu penaud, un concurrent avis mon écusson 180 et me dit : « Ah mais tu fais l’aller et le retour ? Ce n’est donc pas un mythe ? ». Je souris intérieurement et me rends bien compte que cela impressionne pas mal. Et j’avoue non sans mal que j’en éprouve une certaine fierté. Ste Catherine, début de déprime. Je sais ça rime presque et ce n’est pas faux. La fatigue est désormais installée et je commence à ressentir des tendinites aux genoux qui ne feront malheureusement qu’empirer jusqu’à Lyon. Pointé 4643, il est 4h33. Je reste sur les bases que je m’étais fixées. De toute façon quelles bases ? Je n’ai d’autre prétention que celle de vouloir rallier l’arrivée. Ce sera beau.
Je chemine depuis quelques kilomètres avec JM Touron. Il me mitraille, me garantit que je suis au top. Venant de la part d’un triple finisher du TOR des Géants c’est flatteur… Mais pas très juste. Mais ça fait plaisir. Il m’offre un peu de coca pour la caféine (je m’endors toujours !) vu que je n’ai même pas pu accéder au ravito, me mitraille de photos, bref, sachaleur et sa lumière sont un phare dans ma nuit si sombre à cette heure indûe.
Au détour d’un sentier avant la Bullière, un immense bouchon s’est formé. J’y retrouve mon beau frère Stéphane. Nous discutons un peu mais devant le froid qui s’installe à rester statique ainsi, je pousse tout le monde bien décidé à passer coûte que coûte. Bien m’en a pris car j’y serai peut être encore à l’heure actuelle. Les coureurs sont paralysés devant une grosse flaque d’eau, se refusant à y mettre les pieds. Je passe tout droit en vociférant que c’est du trail et que ça fait partie du jeu. Oui je sais, je suis un rien condescendant et surtout bien fatigué à ce moment précis !

Le froid dans les chaussures a pour effet de me réveiller passablement. Je retrouve un peu de jambes malgré les tendinites et pars pour ce qui va être ma chevauchée fantastique de la nuit. Elle durera 20 kms, jusqu’à la sortie du bois de la Dame. Je reprends plein de concurrents et à chaque fois que je passe vers un panneau annonçant le reste de kilomètres, je me hurle le nombre de kilomètres parcourus ! Et oui, depuis St Christo, je suis centbornard ! Une grande première en 11 ans de course à pied pour moi !! Et ça me remplit d’une fierté indescriptible. Je ne me croyais en effet pas capable de le réaliser et la 180 me l’a offert ! Arfeuille sera vite avalé finalement et j’arrive enfin au ravito de St Genoux. Il sera passé dans un tohu bohu indescriptible, peux à peine m’alimenter (un peu de soupe et une vache qui rit) et je me lance à l’assaut des parties techniques restantes :

Les enchaînements des 3 bois (notez pour vous souvenir de l’ordre (sic : tidgi) : La gorge de la Dame se boucha !) se fait superbement bien. Mais d’autres font bien mieux. Tidgi m’a récupéré à la sorti du bois de la Dame et s’envole vers une superbe place sur la 180. Il ne court plus pour l’heure il vole. Je n’arrive pas à le suivre. Tant pis, je le laisse filer. Au passage, nous récupérons nini et Muriel des Jupettes. Elcap est un peu plus haut à la sortie du bois Bouchat. Nous nous encourageons mutuellement. Ca fait plaisir de croiser des têtes connues et amies dans ces grands moments de fatigue. J’arrive enfin à Soucieu. Je ne suis pas soucieux du tout (ok c’est nul comme jeu de mots mais c’est vrai !). Je sais que je vais aller au bout. Je retrouve Arcelle au ravito qui est bien fatiguée mais décidée elle aussi à rallier l’arrivée. Il est 8h49 je suis 1497°.

La descente sur Beaunant se fait dans un autre monde. Trop de tout désormais. De monde, de bruit, de pas, et mes proches me manquent. Je téléphone à mon épouse. En peu de mots que j’arrive à lui prononcer sont bien épars : « …tigué, …dinites… noux…, riverai.. fait pas… » Oui, vous avez remarqué comme un peu parfois faire court et être difficilement plus clair !!! La preuve, en arrivant à Beaunant, je vois quelqu’un qui fait de grands signes au milieu de dizaines de coureurs qui sont complètement hagards. Enfin pas plus que moi en fait. D’ailleurs, ce quelqu’un en question c’est ma femme que je ne reconnaissais même pas !!! Sa présence est salvatrice. Elle me requinque à point nommé. Je sais désormais que je vais bien finir. Beaunant, 5mn d’arrêt, terminus, fin des dragibus.Il est 11h00, je suis 1451°.

Je peux difficilement courir du fait des tendinites mais je monte d’un pas ferme et décidé. Madame est avec moi, m’encourage discrètement. Nous passons ainsi pas mal de concurrents. Pour autant, j’ai toujours autant de mal à allonger ma foulée tant j’ai mal. A cette occasion, dans Ste Foy, Gilles me dépasse. Il veut arriver à rentrer avant midi. Moi je veux juste arriver. Ce ne sont pas les mêmes objectifs, je ne m’accroche pas. Comment le pourrais-je d’ailleurs ? Je descends tranquillement, les marches de la montée Grapillon passent assez facilement. Je croise le Berger qui m’encourage allègrement.

Ca y est ! Les quais de Saône sont là, il reste 4 kms à parcourir. Une paille. Une paille coincée dans ma chaussure surtout ! C’est court et long 4 kms !!! Je serre les dents. Les visages des passants sont consternés lorsqu’ils me voient passés, je dois faire peur à voir. Je cours…. Le pont Pasteur est passé, je cours…. J’arrive dans le parc de Gerland, je cours…. Je double des coureurs devenus marcheurs…. Je cours…. 300m de l’arrivée… Je cours, je vois l’arche d’ arrivée, je cours… 50, 25m, Biscotte m’encourage : « Allez jean-Phi ! », je cours… Je suis arrivé… Il est 12h10 au retour. Je suis 1432°.

Clap de fin sur 5 mois de préparation et j’ai enfin mon Graal, boucler cette 180 enfin, dés ma 1° participation. Je retrouve les amis Arclusaz, Lalan, Kirikou69, Ejouvin. Je prends des nouvelles de quelques uns et… je m’accroche à la barrière ! Je ne peux plus tenir debout, je dois rentrer, vite… Très vite…

Jeudi 17/12, 10 jours ont passé après mon arrivée « victorieuse » sur la 180. Je suis tellement heureux de cette issue, tellement heureux de ce dénouement. Comment décrire ce que j’ai vécu, comment partager des moments que l’on ne peut que vivre pour les comprendre ?

Jean-Philippe Receveur. 🙂

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