La 111 ou une LyonSainté

Cette année la 180 n’était pas synonyme de dernier objectif de l’année avant l’habituelle coupure du mois de Décembre, mais devait servir de très longue sortie longue pour préparer le Treg dans 2 mois. Comme je n’avais pas à disposition ni de sable, ni la chaleur du désert, j’ai composé. La neige remplacerait le sable et le froid, la chaleur. Façon d’expérimenter ainsi une nouvelle méthode révolutionnaire d’entrainement avec utilisation de conditions totalement opposées. Encore que courir dans la neige reste très proche, en termes d’appuis, de foulées, du sable. Compte tenu de cela, je partais donc relativement tranquille, sans pression de performance ou même de celle à avoir à terminer.

Lyon /6h00. Comme d’habitude, retrouvailles vers les 6h du matin devant la Halle Tony Garnier. Cette année nous sommes plus nombreux (environ 30) avec une dizaine de nouveaux rejoignant les habitués de cette mythique épreuve. MC Arthur Baldur nous accueille, mais des problèmes de genoux lui empêchent de se joindre à nous pour la ballade. Il va se contenter de nous accompagner en voiture avec son fidèle complice Mister Blash. Après les traditionnelles photos, le groupe s’élance de l’arrivée de la Saintélyon. La température est glaciale mais c’est un froid sec et on ne devrait pas avoir de précipitations durant la journée. Très rapidement je me retrouve en queue de peloton, il me semble que l’on est parti très vite. Passé le pont Raymond Barre, je sens un élancement dans chacune de mes cuisses. Je ne m’inquiète pas trop, cela devrait passer avec la mise en chauffe de l’organisme.

Ste Foy les Lyon /7h13. Une fois dans le parc de Ste Foy les Lyon, j’enlève une de mes 4 couches, la micro polaire, avant de commencer à transpirer. Le rythme est toujours soutenu, je reste toujours collé dans le fond du groupe. Mes cuisses sont toujours douloureuses et même si ce n’est pas handicapant, je commence à me poser quelques questions sur la suite de l’affaire. Le jour se lève, je profite du regroupement à Chaponost pour me glisser en tête afin d’essayer de caler mon allure sur les premiers et de ne plus être obligé de faire un effort d’allure pour rester au contact. Les nouveaux semblent être de sérieux compétiteurs et désireux de ne pas trainer en route. A l’écoute de leurs échanges, ils semblent plus branchés par leur temps sur marathon (j’entends des 3h00 par ci ou 3h15 par là) que par les différents types de fromage que l’on peut trouver aux ravitos.

Soucieu

Soucieu /9h20. Nous voilà à Soucieu. Pas de queue à la boulangerie cette fois, la majorité du groupe se dirige vers la tente du Téléthon. On nous a annoncé un saucisson/pomme de terre, qui semble alléchant. Victime d’un soucis technique et du fait que nous sommes en avance (cela confirme que nous allons vite, on parle de 45’ à 1h d’avance) les bénévoles du Téléthon ne peuvent nous proposer que le saucisson chaud. Pas grave, celui ci est un vrai régal. Assis sur un banc, à l’abri du vent et (un peu) du froid, c’est un moment de plaisir que de déguster ce saucisson chaud avec un morceau de pain frais. Un bon thé chaud avec du pain d’épice pour terminer et il est temps de repartir.

St Genou/ 11h28. Malgré quelques éclaircies dans le ciel, la température est toujours glaciale et lorsque une rafale de vent se déclenche, le froid vous atteint jusqu’à l’os. On découvre les premières traces de neige en arrivant à St Genou. J’ai toujours du mal à garder le rythme, surtout dans les descentes et sur le plat, où mes quadriceps me font vraiment souffrir. Dans les montées la douleur est moins vive et j’en profite pour prendre quelques longueurs d’avance dans la montée vers le Signal. C’est un peu mon coin cette grimpette. Chaque année, je la grimpe à mon rythme, seul devant. Nous arrivons au Signal où la couche de neige dépasse les 20 cm avec de grandes plaques gelées. Avec le blizzard qui souffle, inutile de signaler (signaler, Signal… Faut que le garde celui là) que l’on ne s’est pas attardé sur le site. Les échanges sont brefs entre nous, l’ambiance polaire qui nous entoure n’encourage pas trop les contacts. Chacun est concentré sur sa progression, attentif à l’endroit où il met les pieds. Je m’interroge pour le retour, avec la nuit, la dégradation du terrain provoquée par le passage des 10000 coureurs. Un des nôtres a déjà mis le clignotant et rejoins la voiture “assistance” (il reprendra avec nous à Ste Catherine). Comme on évite le Bois d’Arfeuille cette année, le chemin pour rejoindre Ste Catherine m’apparait plus rapide. Tant mieux, parce qu’avec la neige, les zones verglacées et ce froid qui nous transperce, tout le monde attend avec impatience le ravito/buffet de Ste Catherine.

Le Signal de St-André

Ste Catherine/13h45. On traverse le village, ce qui veut dire qu’on maintient notre avance, ou comme dirait Arthur, que l’on reste dans le haut de la fourchette (on note les références plus culinaires que sportives). Les anciens de la 180 pestent un peu contre les nouveaux, qui mènent la danse et ne s’arrêtent quasiment jamais pour rassembler le groupe. Une fois arrivé sous la tente du ravito, je change de première couche, j’enfile une polaire, une veste de montagne et des gants chauds. Changement de chaussettes également et l’occasion de contrôler mes pieds. RAS! Tout beaux, tout neufs! Je sors ma fiole d’huiles essentielles avec mon mélange miracle (je donne la recette en MP sur simple demande) et entreprend un massage de mes cuisses. Ensuite direction le buffet, une soupe de vermicelle, du pâté berrichon, du cake salé et un assortiment de cochonnaille. Je suis tenté par un coup de rouge, mais finalement je termine ce repas avec un grand thé et quelques carrés de chocolat à 75% de cacao. Après avoir remis ma tenue de course, pris le temps de me réchauffer les mains sur (et non pas dedans) la marmite d’eau chaude, nous voilà reparti. On ne s’est pas autant attardé que les autres années car il faisait vraiment très froid, le chauffage n’ayant pas encore été installé sous la tente. Ce ravito à Ste Catherine, c’est vraiment l’esprit de la 180. Un aller convivial en petit groupe dans la campagne des Monts du Lyonnais avec des pauses réconfortantes. Merci à toute la bande du LUR pour leur organisation et leurs attentions. Le massage m’a fait du bien, mes cuisses sont moins douloureuses et j’attaque en tête la montée au camping. Une fois sur le plat, les flèches du groupe reprennent les commandes et je glisse dans le fond du peloton. La neige, les zones gelées sont toujours là et ça ne remonte pas le moral du groupe quand je leur anonçe que cela va être comme cela, jusqu’à Saint Etienne.

Le Moreau /16h50. On arrive sur la crête au dessus du hameau du Moreau, le froid est vraiment perçant. Je cogite de plus en plus pour le retour. Je souffre toujours des contractures aux cuisses. Au delà de la ballade en petit comité et des échanges avec les compagnons de route, les plaisirs on été rares à cause des conditions. Il y a bien eu le saucisson chaud à Soucieu, le kif de la montée au Signal, le massage aux huiles essentielles et le buffet du ravito à Ste Catherine. Mais tout ça, au retour, il ne faut pas y compter. Niet ! Nada! On arrive en vue de St Christo, il fait encore jour! L’année dernière à cet endroit cela faisait déjà près de 30 mn que l’on avait allumé les frontales. On fait un selfie avec Jérome pour immortaliser l’affaire, avant de foncer pour rattraper le groupe. Toujours à bloc les bougres! On pénètre dans la tente du ravito et de suite la chaleur nous envahit, comme c’est agréable. On nous offre des chouquettes, j’en mange au moins 4 (vous ne direz rien!) puis je me prépare un thé (j’en suis à au moins 3 litres depuis le départ!) et pioche quelques “Pépito” qui vont bien avec. Ce ravito de St Christo est célèbre pour ses “Pépito” et ses “Pims”. Je connais des coureurs qui s’inscrivent uniquement pour ça et qui abandonnent ensuite à Ste Catherine en découvrant qu’ils n’en trouvent pas à ce ravito. Bon, j’en connais aussi qui abandonnent à Ste Catherine pour d’autres raisons. On devait rester 15’, mais on traine, on est au chaud, y’a des trucs sympa à manger et dehors il gèle. Mais il faut y aller quand même. On installe la frontale et on plonge dans la nuit glaciale.

Saint-Christo

Le chemin est toujours enneigé et verglacé et je manque une ou deux fois de m’étaler. Une fois le col de la Gachet passé, je retrouve ma place en queue de peloton. Beaucoup de bitume et de descentes jusqu’à Sorbiers, ce qui n’arrange pas l’état de mes cuisses. Ma décision est quasiment prise, je ne repartirais pas de Saint Etienne. Le souvenir de l’année dernière, où j’étais au plus profond du désespoir entre Sorbiers et St Christo alors que j’étais en forme avec des conditions météo et de parcours correctes, tourne dans ma tête. Il est clair que je n’ai aucune envie, mais alors vraiment aucune, de me retrouver ici, dans 5 heures, au milieu de la meute, sous une température polaire avec comme seul objectif envisageable, celui de rallier St Christo ou Ste Catherine. Souffrir durant 4 heures (plus l’attente au départ), pour au final y arriver en hypothermie, épuisé ou pire, blessé. Ensuite, ça sera 1h00 de bus dans une ambiance mortelle, au milieu de tous les abandons, pour rejoindre la Halle Tony Garnier. Et enfin, rentrer dépité à St Etienne au petit matin dans ma voiture. Ca, c’est un plan à se dégoutter du truc (et pas que de la 180) pour un long moment et qui risque de demander beaucoup de temps pour récupérer physiquement et moralement.

Sorbiers/ 19h00. Les 7km qui nous amènent à l’arrivée (au départ) ne change rien à la donne. Au contraire, la purge que constitue ces 7 bornes à travers la zone industrielle ne fait que renforcer ma décision. Le feu d’artifice tiré depuis le Puits Couriot pour la Sainte Barbe n’y change rien, j’appelle mon pote pour qu’il me vienne me chercher, qu’il me pose chez moi comme convenu, mais je n’en repartirais pas… Il est environ 20h00 quand nous franchissons la ligne d’arrivée vers le Palais des Expositions de Saint Etienne. Soulagement et la satisfaction d’avoir fait la moitié du chemin pour le groupe. Un journaliste du “Progrès” est là pour nous accueillir et recueillir quelques témoignages des “extra terrestres”. Il règne une petite ambiance festive avec les techniciens qui installent la zone de départ. On fait quelques photos souvenir et tout le monde se dirige rapidement vers le Flore pour profiter au maximum des quelques heures de récupération avant le départ du “retour”

Sorbiers

Dimanche 4h00 dans la descente qui amène au ravito de Ste Catherine. C’est tout gelé, je contrôle chaque pose de pied pour ne pas glisser. Mes jambes sont tétanisées par le froid et des débuts de crampes s’annoncent dans les mollets. Mes cuisses ne sont que douleur et les élancements sont encore plus pénibles dans cette descente. Je suis frigorifié de l’intérieur, l’impression d’avoir un glaçon dans le ventre. L’arrêt au ravito m’angoisse plus qu’il me réconforte, la foule, il va falloir se battre pour un verre de pepsi (et oui même pas du coca) et pas moyen de se réchauffer. En fait à Ste Catherine, il vaut mieux passer en coup de vent et quitter la tente au plus vite. Je vais abandonner! Mais au lieu d’avoir du soulagement à l’idée que tout cela va s’arrêter, je me vois déjà, assis dans un de ces bus, le regard perdu dans la nuit, qui défile par la vitre. Quelque part je ne sais pas si je ne préfère pas finalement continuer ce calvaire. Je le savais bien que ce serait un cauchemar. Mais oui! C’est un cauchemar! J’ai bien des douleurs aux jambes, mais je suis bien au chaud dans mon lit! De suite je pense à mes camarades qui doivent souffrir. Mais comme j’ai bien fait! Un frisson, je tire la couette et me rendors.

Un grand bravo et un immense respect à tous mes compagnons de la 180 qui ont eu le courage et la détermination pour reprendre le départ de la Saintélyon et pour quasiment tous, aller au bout. Car comme le dit Reynald :“il n’y a aucune folie à faire la 180, la folie c’est de ne pas comprendre que le seul intérêt du retour, c’est l’aller”.